Genouillé
Site de la mairie de Genouillé

Les potiers

Si l'on prospecte les terrains labourés de la commune, quelle surprise d'y découvrir de nombreux débris de poteries anciennes, en particulier des pieds de pots (podes) et des anses…

On trouve sur les registres un nombre important de personnes exerçant au cours des siècles la profession de potier. Nous avons pu en recenser environ une cinquantaine à la fin du 18ème siècle, une quarantaine en 1850, 8 en 1900, 1 en 1930 et cet artisanat s'est complètement éteint après 1932. Il ne nous reste, malheureusement, que peu de documents concernant cette activité. Les cahiers comptables que tenaient probablement ces artisans au siècle dernier semblent tous être disparus. Plusieurs recherches ont néanmoins été entreprises :

Quelles traces reste-t'il de cette activité sur Genouillé ?

Nous n'y trouvons plus que 2 fours dont un est à la Châtre volant et l'autre à la Trafigère, ce dernier est d'accès relativement difficile, situé à la limite de deux propriétés, ayant probablement été sauvé en raison de cette situation.
Espérons que ce petit monument sera sauvegardé dans l'avenir et que les pouvoirs publics s'en préoccuperont. Ce four aurait fonctionné jusqu'en 1914, utilisé par les Cartraud père et fils.

Cette poterie utilitaire peut être classée en deux catégories :

1 - Poteries servant à cuire les aliments, surtout au feu de cheminée : pots et marmites tripodes - pâtissières - casseroles à queue - cafetières - soupières - bouille-lait ou jarlons - tourtières - diables (pour cuire les châtaignes).

2 - Poteries destinées au stockage, à la conservation ou l'élaboration des aliments ou boissons : buges - jarres - faisselles (ou fisselles pour la fabrication du fromage) - bassines - plats divers - pots à miel - cruches - cruchons - pinates - (pour conserver le petit salé) - coupes à fruits.
On peut trouver, produits à Genouillé, quelques assiettes ou plats de faïence décorés, mais ce ne sont que des exceptions provenant certainement d'essais.

3 - On fabriquait également des épis de faîtage (éléments décoratifs d'un toit) ainsi que des porte-parapluies, nids à pigeons ou à moineaux !

 

Familles et villages de potiers

Comme en ce qui concerne tous les anciens métiers, on était potier de père en fils, et durant plusieurs siècles, on retrouve les mêmes noms, et l'on peut constater que parfois trois ou quatre personnes de la même famille exerçaient cette profession.
Citons quelques dynasties de fabricants de pots :

  • Chaléroux - Cartraud (le Couret - la Trafigère).
  • Texereau ou Texerault (Puy-Girard - la Gourgeaudrie).
  • Guillemot (la Trafigère - la Châtre volant).
  • Parricault - Thoureau (la Chize).
  • Ravaud (la Gourgeaudrie).
  • Thabaud - Trillaud (l'Houmaillerie - les Rechers)


Les principaux villages où l'on travaillait la terre étaient :

  • La Trafigère : de loin le plus important (une quinzaine de potiers sous le Second Empire).
  • La Gourgeaudrie (8 au début du 19ème siècle).
  • Puy-Girard (8 en 1851).

Un ou plusieurs potiers oeuvrèrent dans les autres hameaux à l'exception du Bourg, de la Combe, de la Touche et de la partie Est de la Commune où aucun n'est signalé sur les documents depuis le 17ème siècle.

Ajoutons que plusieurs tuileries existèrent dans le passé à la Faye, Chez Texier et la Combe, tenues par les familles : Thimonnier - Monthubert - Daveaux et peut-être d'autres.

 

Les derniers potiers de la Commune :
Urbain RAVAUD et Edouard CARTRAUD

Nous sommes allés en visite chez Monsieur Maurice RAVAUD né en 1920 et résidant à Puy-Girard.

Son père, Urbain fut le dernier maître potier exerçant dans la commune, en compagnie de son ouvrier Edouard Cartraud. Il cessa son activité en 1932 alors âgé de 46 ans. Monsieur Ravaud nous a livré ses souvenirs d'enfance.
"Mon père avait sa boutique et son four à la Gourgeaudrie. Je me souviens bien de son travail, j'avais douze ans lorsqu'il a arrêté son activité de potier. Jusque vers 1920, la poterie l'occupa à plein temps, mais sentant sans doute le vent tourner , il s'adonna de plus en plus à l'agriculture et agrandit petit à petit son domaine. Dans les derniers temps,il fabriquait ses pots surtout en hiver.

La récolte d'argile
Il avait loué un petit terrain près de Chez Texier au lieu-dit la Fosse à Potier où l'argile est de bonne qualité. La terre se récoltait en Mai-Juin, quand il faisait suffisamment sec, mais pas trop.

Mon père mobilisait pour l'occasion, voisins et amis, une bonne dizaine au total qui partaient avec pelles pioches et brouettes pour 4 à 5 jours de travail. Ils entassaient la terre à l'entrée du terrain. Ils peinaient à manipuler cette argile lourde et grasse, mais ils faisaient aussi la fète, surtout le dernier jour : "le Bourlot" qui se concluait chez nous par un bon repas bien arrosé. On allait ensuite chercher la terre au début de l'automne, époque à laquelle mon père et son compagnon commençaient vraiment la fabrication des pots.
Le tournage

L'un des deux s'installait au tour et façonnait les diverses pièces à partir d'une boule de terre. L'autre les prenait au fur et à mesure et les disposait sur des planches (les tabliers) en vue du séchage. Il collait également anses, pattes et queues à l'aide de barbotine. Il fallait être adroit, attentif et doux car ça s'écrasait facilement.

Lorsqu'il faisait un beau temps sec, les tabliers portant les poteries étaient sortis au soleil, mais on changeait souvent l'exposition afin que tout sèche convenablement et uniformément, car autrement, gare aux échecs à la cuisson.

La cuisson
Mon père entrait dans le four. A l'aide d'un système compliqué de briques et de cales, il y disposait adroitement les différentes pièces (jusqu'à une centaine, selon leur volume).
Ayant terminé, il obstruait la porte à l'aide de briques non scellées. Ce travail occupait bien la matinée.
Après déjeuner, on amenait une trentaine de fagots. On triait les menues brindilles avec lesquelles on chargeait le foyer. On les enflammait à l'aide d'un bouchon de paille et ensuite, il fallait constamment entretenir la combustion toujours avec du menu bois. Après plusieurs heures, on alimentait le feu à l'aide de plus grosses triques. La température devait monter jusqu'à 1200°, mais on ne disposait ni de pyromètre, ni de thermostat.
Mon père estimait le degré de chaleur en examinant la couleur des briques. A l'intérieur, les flammes venaient lècher les poteries car le foyer communiquait avec la chambre de cuisson, la cheminée se trouvant au-dessus.

Pendant l'hiver, les voisins venaient veiller et deviser tout en se chauffant près du four. C'était très convivial. Vers les neuf ou dix heures du soir, le maître potier prêtait l'oreille et devenait très attentif à ce qui se passait à l'intérieur de la chambre de cuisson. De petits bruits secs indiquaient que des pieds ou des anses se détachaient. Cela chauffait trop fort et l'on devait réduire l'intensité du feu en enlevant prestement quelques triques ou braises. On arrêtait la chauffe vers onze heures ou minuit. Il fallait attendre la soirée du lendemain pour pouvoir rentrer dans le four suffisamment refroidi et sortir les poteries cuites (le biscuit). Ensuite, mon père et son compagnon passaient le vernis liquide qu'ils versaient à la louche : une louchée dans le récipient, une autre sur le fond.

Ce vernis obtenu à partir d'une poudre d'oxyde de plomb vendue par Rhône Poulenc provoquait autrefois une grave maladie : les coliques de plomb, car à ce moment-là les potiers devaient broyer cette matière et ils en respiraient les poussières.

Le vernissage allait très vite et le matin du troisième jour il fallait recharger le four et procèder à la seconde cuisson dans l'après-midi. Là, on chauffait un peu plus fort. Ce n'est donc que dans la soirée du quatrième jour que l'on pouvait enfin sortir les poteries habillées de leur vernis comportant toutes les nuances du brun.

La commercialisation
Au cours du siècle passé, les potiers vendaient probablement leur production sur place ou sur les marchés de la région. Quant à mon père, il livrait sa marchandise dans les épiceries et les magasins de vaisselle de Civray et des environs. Il ravitaillait également la maison Marque de Poitiers. Il expédiait ses commandes par chemin de fer. Il devait donc acheminer sa production en charrette à la gare de Saint-Saviol.


Il existe encore quelques potiers d'art qui arrivent à vivre de leur production, pourvu qu'elle soit suffisamment belle et originale et un tant soit peu utilitaire. Nous verrons sans doute, un jour prochain, l'installation dans notre commune d'un ou plusieurs de ces artistes capables de perpétrer une tradition probablement plus que millénaire ?